Rémi, vélorutionnaire
C’est avec un regard décalé et le sourire aux lèvres que Rémi, militant pour les déplacements doux, argumentait face aux dissonances cognitives des automobilistes : « Organisons une vélorution* dans la ville avec banderoles et slogans réclamant des pistes pour les automobilistes ! »
Non sans humour mais convaincu, Rémi savait recentrer le débat sur la mobilité des plus fragiles – piétons, cyclistes – pour faire admettre le droit à tous de circuler en toute liberté, et surtout en sécurité, face aux lobbies empiriques des automobiles! D’ailleurs, ce coach en sevrage automobile comme il se nommait lui même n’hésitait pas à enfourcher son vélo girafe, partant de Lorient pour rejoindre la vélorution* universelle de Nancy 2017, afin de faire avancer ses idées.
Il a fondé le CRADE* à Concarneau et a soutenu et accompagné la création d’autres ateliers vélo participatifs : En Roue Libre à Quimper, Penn Rustin à Douarnenez. En arrivant à Lorient, en 2015, il a rejoint le jeune atelier vélo Syklett. Puis ce membre de l’amicale internationale des sans voiture créa un atelier nomade et gratuit, avec quelques copains-copines, ici sur un rond point, là sous un arbre dans la rue ou encore sur le marché de Lorient, et s’impliqua activement dans l’atelier vélo Rustine Peace sur le marché de Port-Louis. Deux fois par mois , il animait un atelier au lycéee Dupuy Delhomme afin d’initier les jeunes gens à l’entretien de leurs vélos.
Egalement en résidence à l’auberge de jeunesse du Ter, où étaient hébergés des exilés, puis aux containers du Lieu jaune Lieu noir sur le port de pêche, ce fut la rencontre fantastique avec des personnes de tous pays se retrouvant autour de l’objet commun et international qu’est la bicyclette, l’ayalla*. Ce sont ainsi près de 200 vélos issus de récupération et de dons qui ont étés démontés, remontés ensemble et redistribués, dans un atelier sans nom, sans structure , sans publicité, sans subvention, non autoritaire en expérimentant la gratuité dans la joie, et un slogan : « Si, si, c’est possible ! ».
Sans pub car Rémi était dans la recherche et dans le partage du faire et du savoir-faire, pas dans le faire-savoir. Il ne craignait pas d’aller deux pas « en arrière » dans le bon sens plutôt qu’un pas « en avant » dans le mauvais. Une personne que la remise en question n’effrayait pas : c’était un outil pour aller vers plus de justesse dans les actes et dans les mots.
Le fréquenter, simplement penché avec lui sur un vélo, outils en main et bonne humeur au visage, vous confortait dans le fait que « si, si, c’est possible ! », qu’il faut simplement agir, et à sa mesure, dans l’envie plutôt que la peur. La baguette magique pour quitter la croissance pour l’équilibre.
Cet atelier vélo était un modèle de « démarche de projet » réussie, où les mots « expérimentation », « droit à l’erreur », « participatif », « intergénérationnel », « paritaire », « mixité sociale » etc étaient une réalité.
Rémi, au-delà d’un militant pour les déplacements écologiques, était un citoyen, humblement et pleinement, cherchant en permanence à assumer, par des actes et toujours avec une touche de dérision, voire d’autodérision, sa petite part de responsabilité dans la société. Ses deux derniers projets en tête ? Ecrire un témoignage sur la réalité de l’assistance à domicile aux personnes handicapées – son emploi -, et trouver une pelle et une brouette pour dégager, symboliquement, un des tas de terre récemment versés sur une zone du port de pêche fréquentée par des routards et des gens du voyage.
Peut-être avez-vous remarqué ce vélo blanc accroché dans un arbre avenue Jean Jaurès. C’est un ghost bike. On en trouve sur les lieux où les cyclistes ont trouvé la mort. Le premier fut érigé à St Louis (Missouri) avec un panneau « ici cycliste percuté ». D’autres suivirent, à Londres, New-York, Paris. C’est devenu un symbole, une invitation à la bienveillance et à la responsabilité nécessaires chez tous – bus, voitures, vélos, piétons, collectivités chargées des voies – pour que se développent réellement les déplacements doux.
Celui-ci, à Lorient, est le mémorial dédié à Rémi, décédé contre un véhicule à moteur le vendredi 1er décembre 2017.
*ghost bike : vélo fantome
Velorution : ce mot valise désigne le nom d’un mouvement international encourageant les déplacements non polluants comme le vélo.
CRADE, Centre de Recherche sur l’Avenir des Déplacements Ecologiques : http://lecrade.blogspot.fr
Ayalla : bicyclette en Soudanais.
Par Mona et Martine
Tres bel article! Je vous embrasse et ferait honneur à son blouson de longues années à venir !!!
Merci A Remi et vous Eric.B
Très bel article, sensible et touchant.
Belle plume et hommage à Rémi.