Quel avenir pour les intermittents du spectacle vivant

Madame Mireille Kergoat Lanester le 9 janvier 2022
Trésorière d’un collectif de musiciens

Objet : la situation des intermittents du spectacle

à Madame Roselyne Bachelot, Ministre de la Culture

Madame la Ministre

Vous avez manifesté, en prenant votre fonction de ministre de la culture, une volonté très nette de défendre non seulement les structures, mais aussi les artistes qui les font vivre. Je souhaite vous faire part de mes inquiétudes au sujet de ces femmes et de ces hommes. J’ai une certaine connaissance de leurs problèmes car je suis trésorière du Collectif Mosaïque, composé de huit groupes de musiciens professionnels du Pays de Lorient, intermittents du spectacle vivant.

Certes ils bénéficient en France d’un régime privilégié par rapport à la plupart des autres pays. Ils perçoivent ainsi une indemnité mensuelle s’ils ont donné au moins 43 spectacles dans l’année. Mais :

-la pandémie les a mis à terre depuis 22 mois puisque les concerts ont d’abord été interdits, puis ils ont repris l’été dernier, mais avec des jauges limitées, surtout pour les concerts debout. Les intermittents ont pu survivre grâce à l’année blanche et à la prolongation de leurs droits jusqu’au 31 décembre 2021. Et dans le contexte de restrictions dues à la pandémie, il n’y a presque pas eu de contrats signés depuis bientôt deux ans, ce qui les a tous mis en grandes difficultés financières. Certains ont même perdu leur droit à l’intermittence.
-on pouvait espérer une reprise d’activité progressive cette année. Or, de nouveau, les dernières mesures gouvernementales pour contenir la propagation du variant Omicron réduisent les jauges et interdisent les concerts debout. De nouveau, les contrats qui devaient être signés sont annulés ou suspendus jusqu’à une date indéterminée.
-moins ils travaillent plus leur indemnité est faible, plus leur avenir est incertain, et la rareté de leurs cachets les replonge dans la précarité. De nouveau, ils risquent d’être privés du droit d’exercer leur métier et d’en vivre décemment comme il convient à leur talent , et à leur investissement total dans la pratique de leur art. Or on n’envisage pas une nouvelle année blanche.

Vous venez de déclarer le 7 janvier à Villeurbanne, lors de la cérémonie qui marque le label de « Capitale française de la culture 2022 » décerné à cette ville, que « la culture est le moyen par lequel nous donnons du sens au monde et à la vie. » Je partage cette idée. Alors pouvons-nous accepter de voir sacrifiés ces artistes intermittents qui nous sortent de notre quotidien pour nous élever et nous transporter dans le monde merveilleux de la beauté et des arts sans lesquels il n’y aurait pas de civilisation ? Quel gâchis et quelle catastrophe annoncée si ces messagers de la culture disparaissent !

Je vous demande, Madame la Ministre :

-pouvez-vous utiliser toute votre force de persuasion et tous les moyens dont vous disposez pour que les intermittents du spectacle vivant retrouvent rapidement le droit d’exercer librement leur métier et les conditions de vie qu’ils méritent et qui correspondent à leurs talents, aux innombrables heures qu’ils y consacrent avec enthousiasme et générosité ?
-on parle beaucoup du soutien aux structures du spectacle, mais à quoi ce soutien servira-t-il si nos artistes se voient contraints d’abandonner un métier exaltant mais qui les conduit actuellement vers la misère ? Quel soutien financier décent envisage-t-on pour les intermittents ? Quelles décisions administratives urgentes pour qu’ils puissent avoir au moins leurs 43 dates indispensables dans l’année pour conserver leur statut ?
-quelles mesures rapides pour que les organisateurs de spectacles reprennent confiance et signent des contrats sans lesquels ce sera la faillite de la culture car il n’y aura bientôt plus d’artistes ?

Ils sont discrets, on ne les entend pas, ils ne manifestent pas : ce n’est pas dans leurs habitudes. Par pudeur, ils ne font pas connaître la gravité de la crise qu’ils traversent. C’est à nous, leur public, de faire connaître leur situation de précarité inimaginable, de chercher et de trouver comment y mettre fin rapidement. J’espère que vous emploierez toute votre combativité pour défendre leur cause car je sais qu’elle vous est chère.

Je vous prie de croire, Madame la Ministre, en l’assurance de ma considération distinguée.

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