[conte] Rencontre étonnante

– Où vas-tu ?
La question dans la bouche d’un adolescent de 17 ans s’adresse à une collègue de lycée.
Le jeune homme qui mesure près d’un mètre soixante dix sourit timidement à la jeune fille. Yann est un jeune garçon blond aux cheveux raides et courts. Ses yeux pétillants expriment l’inquiétude et la crainte. Loïs est un bon élève d’une classe scientifique. Passionné de physique, il s’intéresse aussi à la culture littéraire. En général, il est très sociable, sauf quand il tombe amoureux. Dans ce cas, il perd littéralement ses moyens.
La lycéenne à qui il s’adresse est une très jolie fille de 16 ans, toujours vêtue comme une pin up. Seulement, comme Eloise est très équilibrée et épanouie, elle fait parfois peur à ceux qui veulent la draguer tant elle a du caractère. Très travailleuse en classe, elle est cultivée et raffinée…

Ce jour-là, elle marche dans les rues qui bordent leur lycée d’une ville bretonne. Il fait très beau en ce jour de juillet. Tout le monde semble en vacances dans le quartier. Les adultes circulent à pied ou à vélo tandis qu’un jeune homme bricole sa Peugeot devant son garage. Quelques enfants jouent à la marelle ou à la balle dans les jardins des maisons ou sur le trottoir.

– Je me rends à la piscine, pour retrouver deux copines, répond Eloise, d’une voix désinvolte . Que voulais-tu ?
– Te parler si tu le veux bien, avoue-t-il d’une voie timide et presque bégayante.
– Désolée, je n’ai pas le temps, une autre fois, peut-être…
Eloise s’en va sans se retourner en laissant le jeune Yann tout seul et tout triste.

Alors, le jeune homme murmure dans un souffle :
– Je ne suis pas de taille face à ses copines. Je ne suis qu’un adolescent tout simple…
Il s’en va de son côté et se dirige vers les hauteurs qui bordent la ville. Il arrive quelques minutes plus tard sur une colline qui se trouve à l’est de la petite cité de caractère du Faou. De là, il s’éloigne de sa ville natale pour se rendre au sommet du Menez hom.

Quand Yann peut enfin avoir une vue plongeante sur la baie des Trépassés, il s’assoit sur un muret. Là, il attend que le temps passe. Il n’y a personne dans les environs alors il est tranquille pour admirer le paysage.
Mais est-il vraiment seul ? Quelque chose semble bouger dans les buissons voisins. Au début, le jeune homme ne se rend compte de rien. Ses yeux restent fixés sur la mer au loin. Puis, la chose qui fait bouger les arbustes, se rapproche silencieusement de Yann finit par attirer son attention. Le jeune homme sent soudain une présence à ses côtés. Il sursaute en se tournant vers ce qui remue de plus en plus près de lui.

Tout d’abord, il ne voit rien, puis soudain, il distingue le sommet d’un chapeau rouge. Brusquement, un petit personnage sort des buissons et se présente à lui. Il est haut comme trois pommes et est habillé d’un pantalon rouge, d’un pull vert et de son chapeau pointu rouge. Il s’agite autour du jeune homme d’abord sans un mot.

Au bout de quelques minutes, il s’avance de quelques pas et parle ainsi à Yann :
– Bonjour étranger ! Que viens-tu faire en mon domaine ?
– Rien, je ne savais pas que je me promenais sur une de vos terres. Qui êtes-vous donc?
– Korriganig, le korrigan des landes bretonnes de ce coin de Bretagne. Et toi, qui es-tu ?
– On m’appelle Yann, dans mon village.
– Que viens-tu faire par ici ?
– Je m’ennuie, la fille que j’aime ne s’intéresse pas à moi… Hélas !!!
– Si tu veux, je vais te montrer mon domaine…
– Pourquoi pas ?
– Alors, suis-moi, lance Korigannig.

La petite créature se remet à sautiller autour de Yann, à sortir une flûte de sa poche et à jouer quelques notes d’une vieille mélodie. Il s’arrête quelques minutes pour fredonner quelques paroles de cette vieille chanson tandis qu’il montre le chemin au jeune homme :
– Lundi, Mardi, Mercredi…
En fait, il teste les réactions du garçon pour voir comment il réagit à ses sollicitations. Il est content de l’humain qui le suit car ce dernier (jugez-en vous même…). Yann se met d’abord à siffloter puis il continue machinalement le petit air de Korrigannig :
– Jeudi, Vendredi, samedi et dimanche !

Ravi, le korrigan lui lance en arrivant dans un cercle de pierres dressées au cœur duquel se trouve un dolmen avec une allée de dalles en son centre :
– Bravo, puisque tu m’as fait connaître la fin de la chanson, je veux te donner une récompense : viens en mon domaine…
Et le korrigan de tendre la main vers le centre du dolmen où du coup, s’ouvre une porte lumineuse :
– Viens! Suis-moi !
Le korrigan, suivi du jeune homme, pénètre dans l’allée couverte et passe l’entrée irisée.
Quand ils entrent dans le domaine, Yann est stupéfait de ce qu’il découvre. Un jardin aux milles merveilles s’offre à ses yeux. Des sentiers constitués de poussières de sable d’or se présentent devant lui. Ils traversent des parterres d’herbes de perles d’émeraudes, où des fleurs en pierres précieuses de toutes les couleurs côtoient des arbustes et des arbres de toutes tailles avec des feuilles d’or ou argentées et des fruits en or ou en argent ou en diamants.

Yann est ébahi par le spectacle qui s’ouvre devant lui. Mais il n’a pas beaucoup le temps de contempler le merveilleux décor qui l’entoure. Il lui faut suivre le Korrigan qui court et saute devant lui. Et vous savez, peut-être, un korrigan cela court très vite… Alors, le jeune homme, essayant de ne pas sortir du sentier pour aller ne serait-ce qu’admirer ces merveilleuses richesses de près, avance d’un pas rapide pour
suivre le korrigan. Ce dernier dans sa course ne quitte pas le garçon des yeux. Il semble même surveiller le moindre de ses gestes ou de ses regards.

Bientôt, les deux compagnons arrivent aux portes d’une immense bâtisse. Cette dernière est splendide : les murs sont en briques d’argent. Les cadres des fenêtres sont en diamants et les volets en saphir. Le toit apparemment semble être en turquoise. La porte d’entrée est en topaze. Le korrigan en pousse la porte et invite Yann dans sa somptueuse demeure.

Le hall de cette dernière est étincelante par l’étendue des trésors qu’il renferme. Yann est estomaqué de voir contre les murs de belles rangées de toutes sortes de récipients (tonneaux, vases de formes diverses…). contient apparemment les récoltes de la journée, c’est-à-dire des pièces d’or , d’argent ou des feuilles, des fleurs et des fruits étincelants, en pierres précieuses ou semi-précieuses. Yann doit même se protéger les yeux car ces merveilles étincellent à la lumière du jour.

Il suit donc le lutin dans la pièce voisine, une salon. Le korrigan se tourne alors vers le jeune homme pour lui poser une question simple mais claire :
– Comment trouves-tu mon domaine ?
– Il est étonnant et magnifique en même temps…
– Je ne te le fais pas dire, simple humain !!! J’ai remarqué quelque chose : tu ne t’es pas attardé, et tu n’as pas fait un seul mouvement pour tenter de ramasser ne serait-ce qu’une poignée de poudre d’or.
– Ces richesses sont peut-être splendides mais elles ne m’appartiennent pas. Ce sont les tiennes.
– Oui, mais tu aurais pu vouloir en prendre un peu pour toi, pour en faire usage dans ton pays quand tu vas y revenir.
– Oui !Mais cela ne correspond à mon éducation.
– Je vois cela. Et ton attitude mérite une récompense ou même deux car tu as chanté avec moi.
– Je l’ai fait avec plaisir. Je ne veux donc rien.
– Cela t’honore donc doublement. Suis-moi !
– Entendu !

Et voilà le korrigan qui emmène Yann dans une salle voisine, un autre salon. Là , le lutin ouvre les portes d’un splendide meuble en topaze. Il en sort deux choses : une parure en argent et pierres précieuses multicolores et un flacon mystérieux et opaque d’où se dégage une surprenante odeur. Il tend les deux objets au jeune homme en lui avouant :
– Vois-tu, je sais tout de ton histoire et de ta vie. Je suis au courant que tu es depuis quelque temps amoureux d’une jeune fille qui ne t‘aime pas vraiment.
– Merci beaucoup !
– Maintenant, il est l’heure de rentrer.
– D’accord !

Et voilà les deux compagnons qui traversent à nouveau le palais étincelant. Puis ils reprennent les sentiers qui serpentent à travers le parc merveilleux. Bientôt, ils arrivent à la porte du domaine, sous le dolmen.

Arrivés là , Korigannig, fait un double aveu à son nouvel ami :
– Écoute bien, jeune humain, d’ordinaire, quand les hommes pénètrent dans mon domaine, ils ont parfois tendance à vouloir s’accaparer un peu ou beaucoup de mes richesses, avant de rentrer dans le monde des hommes.
– Je ne l’ai pas fait, vous le savez bien…
– En effet, c’est pourquoi, quand tu vas passer la porte de mon domaine pour le quitter, tu retourneras bien dan ton monde… mais à ton époque et non à une autre époque…
– A une autre époque ?
– Dans le passé ou dans l’avenir.. Toi tu m’as respecté alors tu vas aller voir ton amie et lui offrir ce parfum et cette parure que je t’offre aujourd’hui. Tu verras, elle succombera à ton charme et fera attention à toi.
– D’accord, merci ami, répond Yann en prenant ces cadeaux somptueux.

Et le voilà qui reprend le chemin de sa ville après avoir quitté le dolmen secret. Il est tard. La journée s’est écoulée pendant qu’il était chez le korrigan. Alors, il rentre directement chez lui, dans sa maison familiale où il retrouve ses parents et ses frères et sœurs. Vite, il mange et va se coucher rapidement. Les cadeaux du korrigan sont posés sur sa table de chevet. Demain, il essaiera de voir son amie.

Son sommeil est agité par des rêves mouvementés. La nuit est courte. Il se lève tôt le matin tant il est impatient de voir Eloise. Mais comme il ne peut se rendre chez elle avant une heure décente, il prend le temps de se préparer avec soin et de préparer son rendez-vous.

L’heure venue, il se rend chez la jeune fille qu’il aime et qu’il trouve dans son jardin.
– Bonjour Eloise, comment vas-tu, dit timidement l’adolescent ?
– Très bien Yann, et toi ? Que viens-tu faire ici ?
– Je voulais juste te voir ?
– Et bien je suis là !! Que me veux-tu, dit la jeune fille sur un ton un peu désinvolte?
–T’offrir ceci, si tu veux, répond le garçon en lui présentant la parure et le flacon.
– Merci, beaucoup, tu n’étais pas obligé de me faire de tels cadeaux, dit Eloise en apprenant d’une part le parfum qu’elle sent aussitôt avec délice et en admirant la splendide parure de pierres précieuses.
– Je voulais juste te faire un cadeau et te faire plaisir.

L’adolescente ne peut se détacher des bijoux qu’elle décide aussitôt de porter. Aidée de Yann, elle met le collier en argent et diamants ainsi que les bracelets de turquoise et les bagues de saphir. Elle place aussi une splendide broche de cristal sur son corsage. Éblouie par cette parure, elle s’admire dans le miroir du hall de sa maison.
– Comment te l’es-tu donc procurée?
– C’est le cadeau d’un ami pour toi, quand je lui ai parlé de la jolie amie que j’avais.
– Un ami ? Il doit être riche pour avoir de tels bijoux…
– C’est possible ! Ces bijoux te plaisent-ils ?
– Très, ils sont splendides, j’ai l’air d’une princesse, dit la jeune fille en riant. Et ce n’est pas désagréable !!
Tout en s’admirant dans le miroir, Eloise approche à présent la fiole de parfum de son nez.
– Cela sent la violette, on dirait, dit-elle en trempant un doigt dans le liquide et en s’en humectant délicatement le cou et les tempes.
– En effet, je suis content que cela te plaise.
– Très ! Et je te le prouve. Je sais que tu attends cela depuis longtemps.
Voilà l’adolescente qui s’approche du garçon et l’embrasse. Celui-ci surpris se laisse faire.

Ce qui se passe ensuite, je ne m’en souviens plus. C’est une histoire que l’on m’a racontée dans le village il y a longtemps. Eloise et Yann se sont-ils mariés ? Je l’ignore… Je sais juste que le korrigan, à ce qu’on dit, veille toujours discrètement sur le couple ?

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