La cotriade, comme on la prépare à Gâvres
Au Festival Interceltique, on sert une cotriade géante faite avec les poissons de Kéroman, le port de pêche. On se régale et l’on chante en breton, voilà pourquoi son évocation fait appel à la langue vernaculaire…
En 1931, suite à la tempête d’équinoxe qui frappe de suroît la côte du pays de Lorient, tous les gens de mer viennent au secours des marins rescapés. La tradition de gratuité remonte à 1871. Nos bénévoles créent alors la fête des langoustines à Locmiquélic, et ressuscitent la cotriade à Gâvres.
Depuis la plus haute antiquité, les soupes de poissons (la soupe du pauvre) sont connues, même si elles changent de nom avec la région, car elles utilisent les poissons ayant beaucoup d’arêtes, le mulet par exemple !
La Cotriade vient du basque: «chioro», qui a donné «Caoudeyre» en gascon pour désigner la cavité creusée par le vent tourbillonnant dans les dunes. Le terme et son sens se trouvent dans le breton «Kaoter» le chaudron où l’on cuit «la godaille», récupérée au cul du chalut. «Godaille» vient de «ar gode» le tacaud, un poisson de peu de valeur, laissé à la tambouille des matelots et offert par le patron de pêche .
L’histoire du plat, qui vaut bien la bouillabaisse marseillaise, la chaudrée charentaise, « chaudière» à Boulogne, remonte au temps de la marine à voile, quand le poisson était «breiz pesked » naturellement breton ! Ce repas en commun sera un moment convivial entre tout l’équipage et les conjoints, qui vont se partager à terre les poissons du dernier trait de chalut. Ils s’inspirent du cantique chanté à l’office des vêpres de l’office de la Vierge, depuis le 11ème siècle. Peut-être que leur viendra en mémoire le poème de José-Maria de HEREDIA : «Sous les coiffes de lin, toutes croisant les bras ; Vêtues de laine rude ou de mince percale »…
Dès que les épouses de ces pêcheurs aperçoivent le navire de retour, un Minahouet de la Rade de Lorient, elles allument un feu sur la plage d’échouage entre quatre gros galets, sur lesquels elles placent le grand «Kaoter». La scène fait penser à l’angélus de Millet. Le foyer alimenté au bois d’épave craque et pétille joyeusement. Les femmes ont apporté des oignons et les carottes des sables de Plouhinec, du vinaigre, des patates, et le «mel-kang», le râble du cochon (sans saindoux!) .
Tandis que les hommes débarquent leur barda, les épouses pèlent les légumes, et mettent à fondre lentement les bardes, le gras le plus fin, puis elles jettent dessus la garniture qui bondit jusqu’au moment d’être mouillée à l’eau de l’aiguade de la plage.
Une poignée de gros sel marin va accélérer la cuisson, avant le plongeon de la godaille : les poissons durs à cuire d’abord, chinchard certainement, soigneusement écaillés et surtout pas décapités, mais sans leur «tripaille». Dam ! Ils ne sortent pas d’une boite décongelée ! Tout y passe, du congre aux maquereaux, mais dans un ordre rigoureux, pour arriver au terme du mijotage à point de chacun des poissons (et des crustacés), rapportés en parfaite fraîcheur ! On boit du cidre : probablement du «Guillevic», pressé exclusivement à partir de la pomme «Guillevic» Le «gwin-ru» le gros rouge algérien est encore trop cher !
Tous les poissons étant cuits et encore fermes, les femmes les tirent du chaudron avec une grande araignée (écumoire) pour les déposer dans l’écuelle des marins : patron d’abord ! Chacun assaisonne à son goût avec du sel de Carnac et le vinaigre du cidre aigre. Le poivre, dit «avoine de curé», est rare et onéreux, même au pays de la Compagnie des Indes, où un apothicaire vend les fioles de «Karri Gosse» du poivre enragé ! Pendant que l’équipage se restaure (goulûment) de ce repas chaud avec sa cuillère en buis, les femmes poussent le feu pour réduire le bouillon, vite et bien.
Elles servent alors la «toul pesked» la soupe de cuisson des poissons, maintenant concentrée, avec les pommes de terre qui auront cuit dedans.
Cet ordre, poissons puis soupe, et peut-être pour terminer un far aux pruneaux si l’armement est riche, montre un génie gastronomique accompagné par la recherche d’une convivialité ignorée de nos meilleurs D.R.H. Avant de se séparer, à la nuit tombante, une lampée de «Gout-Chistr» le calva breton, aidera la digestion soutenue par la fatigue d’une marée… Semper tibi, sub Baccho !
Telle est la tradition et l’usage culinaire de nos marins-pêcheurs, l’accent en moins .
Fernand MARECHAL, chroniqueur gastronomique
La recette proprement dit, signalant la durée de cuisson des poisson, quels légumes utiliser, etc dépend de la saison, des fortunes de mer., et du savoir-faire des femmes, comme toujours !
Très intéressant cette cotriade Gavraise si bien expliquée ! Mais à quand la création d’un restaurant dans le quartier de la Base des sous-marins, à l’endroit où sont les supers graffs sur le thème de la mer ? et proche du port de pêche !
La cotriade gâvraise n’est qu’une soupe de poissons parmi d’autres . Nous déplorons tous que Lorient n’ait pas de restaurant spécialisé en poissons locaux; Tout le monde sait que 6O% des poissons et crustacés consommés en France y sont importés , mais tout de même….! Jadis un restaurateur en a eu projet : « Ar tout pesked » (la soupe de poissons) en était l’enseigne, mais n’a pas abouti pour une raison essentiellement économique : rentabilité problématique!.
Mieux vaut vendre la copie d’une recette américaine !. Les produits de la mer coûtent cher à l’achat, leur coût varie, ils ont une durée de bonne qualité courte, les préparer demande un savoir-faire rare, les amateurs éclairés ne courent pas les rues, bref on attend la bonne initiative !