Voilà quelques anecdotes parmi d’autres que je vous invite à découvrir lors des conférences que nous animons ou bien à travers notre livre «La rade de Lorient durant l’antiquité» disponible par correspondance : jean.ostos@lilo.org
Lorsqu’en 2022 avec mon fils, nous découvrîmes les premiers morceaux d’amphores et de poteries sur le littoral de Lanester, nous étions loin d’imaginer où cela nous mènerait.
Cette découverte, bien relayée ici même et dans la presse, posait plus de questions à l’époque qu’elle n’apportait de réponse.
Un second pan du voile fut levé lorsque le site que nous avions mis à jour – et déclaré – s’avéra relié à un très antique tronçon de voie romaine qui lui ouvrait les portes de l’empire.
L’empire romain, bien sûr. 400 ans d’histoire de la rade de Lorient coincé entre l’âge de fer et les premiers royaumes de Bretagne. Onze générations de nos prédécesseurs, dont l’histoire est largement méconnue. Nous étions les premiers demandeurs du récit de cette histoire locale et il s’avère que jamais il n’avait été couché sur le papier.
Une première voie romaine se déroulait sous les yeux de mon fils et de moi-même, un empierrement ordonné, bien rectiligne dont la direction nous laissait dubitatif. Finalement, un ami nous confiait une thèse inédite, celle de Stéphane Le Pennec en l’occurrence et nous constations que cette voie avait bien été étudiée par le passé.
Il en fut ainsi de tous les indices que nous récoltions auprès de ceux qui acceptèrent de partager leur découvertes. Les morceaux du puzzle se mettaient en place. Des archives furent consultées, bien sûr, nombre de déplacements à Vannes au Centre d’Etude et de Recherche Archéologiques du Morbihan (Céram) qui nous ouvrit les portes de sa bibliothèque, riche des anecdotes d’érudits, promeneurs, ouvriers de la voirie, du bâtiment dont les découvertes depuis le XVIIème siècle alimentent l’inventaire de la rade de Lorient.
Parmi ces découvertes passées, 8 monnaies d’or à Locmiquélic, à proximité d’anciennes murailles aujourd’hui disparues. Une monnaie d’or aussi sur l’îlot Saint Michel, bien conservée celle-ci, à la BNF. Il s’agit d’un trémissis tardif.
Les monnaies d’or de l’antiquité tardive matérialisent souvent la présence de militaires dont elles constituent la solde.
Leur présence sur la rive droite de la rade est logique. À cette époque le danger vient de la mer par l’ouest. Les vestiges d’un autre établissement défensif ont été découvert sur la rive gauche de l’embouchure de la ria d’Etel. Peut-être la même chose sur la rive gauche de la Laïta, avec un énigmatique établissement à Guidel, qui n’a jamais été fouillé.
Entre le IVème et le Vème siècle, la rade a cessé d’être un endroit sûr, les habitants semblent s’être recroquevillés autour des deux îlots de Pont-Scorff et d’Hennebont, sur la grande voie romaine Nantes-Quimper qui n’était plus entretenue.
Mais avant d’en arriver là, notre région a connu sa période faste. Une première phase au premier siècle, nous révèle un monde où le syncrétisme gallo-romain est plus gallique que romain. Grâce à un cliché de Claude Le Colleter, j’ai pu identifier une divinité masculine découverte à Riantec, inédite, un incroyable personnage en
terre cuite, daté du premier siècle dont le style, les symboles renvoient à l’âge du fer.
Une autre divinité, féminine cette fois, se révèle à travers le chapelet de toponymes le long du Blavet commençant par la racine SUL. («Bon» en gaulois – «Su-avelos »= «bonjour»).
Certains sont des sites hydriques incarnant le culte de l’eau, des fontaines miraculeuses. La Bretagne est la première région de France en nombre de fontaines de dévotion. Nous savons que leur origine est païenne et que le clergé, faute d’avoir pu éradiquer les pratiques, les a relié à un Saint.
Cette fois-ci nous proposons de mettre un nom sur une de ces divinités païenne: Sulevia, dont le nymphée serait à Silfiac ancienne Selefia, le pélerinage à Castenec ancienne Sulim où l’on a découvert la Vénus de Quinipilly et une de ces fontaines de dévotion à Caudan.
Ce culte de l’eau participait au protocole de guérison de nombre de maladies et nous avons découvert un mot magique gaulois dans un texte latin – jamais traduit- de Marcellus: «Admart! Ôtes ce mal de moi». À rapprocher des mots Bretons «Arz-mad» et avec la même fonction qu’une comptine: «1,2,3, et le mal s’en va!».
La croyance, la vie, le travail, la maladie, la mort, le partage aussi: Comment interpréter le site de Grand Pré à Ploemeur ? Un sanctuaire ou des banquets auraient eu lieu. On y a découvert une dizaine d’amphores à vin.
Du vin de Bétique parfois: l’Andalousie antique. On y a découvert encore une dérivation de voie romaine et lorsque l’on voit le chapelet de vestiges entre Kerguelen et Pont-Scorff, alors telle une guirlande dans la nuit, une voie romaine Larmor – Pont-Scorff se dévoile à notre regard. Kerguelen est la plus ancienne mention d’un site antique – dans le Cartulaire de Redon – un site qui devait recevoir ce vin andalou via un voyage hauturier reliant la Galice à notre rade. Entre Cadix et Vigo, le trajet se faisant par cabotage bien sûr.
Finalement à partir des années 180, on ne trouve plus d’amphores à vin importée. Par contre nous commençons à produire localement un autre type d’amphore, celles que mon fils a trouvé.
De belle amphores ovoïdes recouvertes d’un grésage blanc. Certaines sont poissées, de là à dire qu’il y avait de la vigne dans la rade, il reste un pas à franchir. Mais il a été découvert un pressoir à vin à Piriac-sur-mer (entre Vannes et Guérande) et le type d’amphore de Lanester est typique – voire exclusif- du transport de vin…
Du vin à Lanester, peut-être. En tout cas, ce qui est sûr c’est la réalisations de salaisons sur le fameux site du Resto. Un site bien étudié avec une question qui restait en suspens, d’où venait le sel indispensable à la production ?
Grâce à Daniel Sorin, prospecteur de la région de Gâvres, nous avons découvert des marais salants avec des tessons gallo-romains à Kersahu. Des indices passionnants, nous serions en face des salines antiques les plus septentrionales. C’est possible, il a été découvert des marais salants antique à Vigo, ville où la pluviométrie est supérieure à Lorient…
Jean Ostos
N-B : Prochaine conférence du groupe de recherches archéologiques et historiques maritimes de Bretagne sud avec Claude Le Colloter et Eric Le Gal, le 17 mars à Port-Louis